La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante créée un statut unique pour l’entrepreneur individuel ; elle entérine la séparation des patrimoines professionnel et personnel. Le texte entre en vigueur le 15 mai 2022.
Ainsi, elle améliore la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur : par principe, les créanciers professionnels ne pourront pas le saisir, sauf si l’entrepreneur en décide autrement (cette exception était une demande des organismes bancaires).
Les biens utiles à l’exercice de l’activité professionnelle sont automatiquement séparés des autres biens ; la garantie des créanciers de cette activité sera donc limitée à ce seul patrimoine professionnel, sauf si le chef d’entreprise y renonce.
Cette protection bénéficie à tous les professionnels indépendants : commerçants, artisans, agriculteurs, professionnels libéraux.
Il n’y a aucune formalité à accomplir : pas de déclaration d’affectation ni d’état descriptif des biens professionnels.
La distinction reposera uniquement sur le critère de biens « utiles à l’activité » ; cette notion, non définie par le texte, sera donc source d’interprétation en pratique : par exemple, un véhicule ou un bien immobilier utilisés à la fois à des buts personnel et professionnel.
De même, le créancier professionnel est celui dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle. Il ne pourra saisir que les biens « utiles à l’activité professionnelle ».
Les créanciers personnels, quant à eux, ne pourront se garantir que sur le patrimoine personnel ; toutefois, si ce dernier est insuffisant, le droit de gage pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.
Il existe toujours des exceptions en droit, et cette loi ne fait pas… exception :
- la séparation des patrimoines ne sera pas opposable à l’administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale, bien entendu ;
- les manœuvres frauduleuses à l’encontre des créanciers mettra fin à la protection ;
- la renonciation volontaire de l’entrepreneur individuel à la limitation du gage de créancier professionnel également ; cet engagement devra être limité dans le temps et le montant ; sa forme sera précisée ultérieurement par décret.
L’entrepreneur individuel pourra opter pour le régime de l’impôt sur les sociétés.
La cessation d’activité professionnelle entraînera la fusion des patrimoines.
Parallèlement, le texte prévoit de faciliter la transmission universelle du patrimoine professionnel : vente, donation ou apport en société, sans procéder à la liquidation de celui-ci : c’est une grande nouveauté, simplifiant considérablement les formalités et réduisant le coût fiscal.
Enfin, la loi prévoit la suppression des entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL), devenues inutiles du fait de la création du nouveau statut.
Celui-ci est totalement différent de la conception traditionnelle d’unicité du patrimoine, prônée par le Code civil depuis 1804 ; à n’en pas douter, de nombreuses difficultés risquent d’apparaître : concurrence des créanciers professionnels et personnels, sort des biens communs et indivis, par exemple.
Mais ne boudons pas notre plaisir : c’est une avancée significative dans la protection des chefs d’entreprise individuelle.
Jean-Pascal COUTURIER, avocat au barreau de TOULOUSE
Conseil en droit des sociétés
Conseil en droit fiscal et douanier